Je me suis levée de bonne heure car j'avais promis à quelqu'un de rendre visite à Georgina. Il s'était passé une quinzaine de jours depuis l'évènement et j'avais du prendre sur moi pour ne pas pleurer ce soir-là... Mais maintenant que j'ai réfléchis à tout cela, je me dis que ma famille n'a plus vraiment d'importance. Janet est mariée, Alexander et Simon s'éloigne et bien que je sois encore proche de ce dernier, nous n'avons plus rien à nous dire... Le soleil finit par se lever en cette journée du
14 novembre 1742. Le temps se dégrade et je le sens devenir de plus en plus violent... A croire que le temps semble être en concordance avec mon humeur. Lorsque je suis partie ce matin, une certaine personne n'a demandé de donner des lettres à Georgina et c'est aussi pour ça que je me rends à Fort-William. Je savais que ce lieu était le lieu du travail de mon fiancé et autant dire que je garde peut-être pas un bon souvenir de mon dernier passage. En effet, celui-ci avait l'air de croire que je venais pour demander un service... Non, mais sérieusement... J'aurais peut-être mieux fait de m'abstenir...
Cependant, ce qui est fait est fait et je ne pourrais jamais faire marche arrière. Il est bien trop tard pour ça. Mais j'avais compris la leçon et je le laissais donc venir me voir à Beaufort Castle même si j'aurais aimé quitter ses lieux à tout jamais et dans bien d'autres circonstances. Quoiqu'il en soit, il est peut-être aussi une victime des plans machiavéliques... Ou pas car finalement, il a accepté tout ça. Finalement, il n'a plus qu'à s'en prendre qu'à lui. Il est vrai que par ce mariage, je serais au-dessus de l'ensemble de ma famille mais seuls les plus méritants auront le droit d'avoir mon aide. Le vieux Renard pourrait mourir que j'applaudirais son assassin les yeux fermés. Quand à Georgina, elle n'a qu'à s'en prendre à elle-même. On ne joue pas avec la loi et encore moins avec la Couronne d'Angleterre. Ce n'est pas pour rien si je me montrais passive mais aujourd'hui, tout ça m’écœure complètement. Qu'ils aillent tous au diable avec leur politique destructrice et meurtrière. Et si Archie ne me l'avait pas demandé, je n'y serais pas aller. J'en veux peut-être à ma sœur mais lui n'a rien demandé. Depuis l'arrestation de Georgina, j'ai préféré m'en occuper personnellement vu que Père est sans cesse absent ou en colère. Il vaut mieux pour ce petit bonhomme d'être loin de son père pour le moment.
Je sais me montrer plus que correct avec lui et je ne cherche pas à remplacer Georgina mais ce jeune garçon a très bien compris lorsque je lui ai expliqué ce qui s'était passé. C'est compliqué lorsqu'un événement de ce genre se produit dans un clan déjà en miette. Mais bon. Malgré mes fiançailles, Père me tolère encore sous ce toit uniquement par intérêt. Maintenant que mon ainée est en prison, qu'il ne comptes pas sur moi pour la remplacer. Et il est bien trop fier pour ça. Je ne m'en porte donc pas plus mal. Finalement, je me dis qu'elle a peut-être ce qu'elle mérite et qu'elle reçoit la sanction divine. Dans le fond, tout cela met à mal les positions de Père. On me considère comme quelqu'un de naïve mais finalement, le suis-je toujours autant ? Ce n'est pas parce que je ne le montre pas que je ne le suis pas. Et puis en fait de compte, je ferais mieux de cesser de jouer au chat et à la souris et de montrer une facette que personne ne connait sauf Janet. Ma famille m'a toujours comme quelqu'un de frêle, fragile, naïve et ignare. Pauvre fou... Un sourire étire mes lèvres à cette pensée... Et la première personne qui va en subir les foudres et malheureusement Algernon... Il est temps de mettre fin à cette supercherie malgré et contre tous. Le Général de la Garnison est peut-être mon fiancé mais s'il s'oppose à ce que je vois ma sœur, je doute de rester courtoise et polie. Je ne le déteste pas mais il est volage et peu sérieux sur certaines choses. Nous avons tous des goûts aussi différents les uns des autres... Voilà ce qui est ressorti de mon dernier séjour. Je savais où je mettais les pieds même si j'aurais préféré que cela se passe autrement.
Après des heures de voyage, je finis par arriver à Fort-William où je suis plutôt bien accueillie par les hommes de mon fiancé. Il a probablement dû les rabibocher mais ce ne sont pas mes affaires. Il fait ce qu'il veut de ces hommes et ce n'est pas avec eux que je vais me marier plus par obligation que par volonté. Je pense que là-dessus, lui comme moi, sommes d'accord. Pour l'un des rares sujets où on est d'accord actuellement. Bien sûr, lorsque la calèche s'est arrêtée, je place ma capuche sur la tête et je descends de là habillée comme n'importe quel noble de ce pays maudit. Pays dont je fais bientôt disparaître de la liste puisque je vais devenir anglaise... Pour mon plus grand regret.
Habillée avec une robe blanche, élégante et prévue pour les temps frais comme aujourd'hui, je pose les pieds au sol sans m’inquiéter qu'il s'agit de boue. A vrai dire, j'en avais rien à cirer et j'avais d'autres priorités. Dans mes mains gantées se trouvent une série de lettre qu'Archibald avait écrit à Georgina et comme notre père n'était pas foutu de rester à la demeure, ce petit bonhomme ne pouvait jamais lui donner afin qu'il les apporte à sa favorite. Mais cela va peut-être me permettre de comprendre un tel comportement de sa part. Je voulais comprendre. Elle avait eu ce qu'elle voulait jusqu'à maintenant alors pourquoi tout ça ?
Algernon finit par arriver et je le salue à la hauteur de son rang et de son grade tout en restant souriante. Je devais garder cet air naïf mais c'est terminé. On s'est assez joué de moi et cela est valable pour mon clan comme pour mon fiancé qui essayerait de faire la même chose. Sois belle et ferme-là ? Hors de question. Je ne suis pas un objet avec lequel on joue. J'étais certes une personne qui prônait la paix mais maintenant, je ne suis rien de plus qu'une traitresse. Marchant quelques pas dans la boue, j'avais fait attention à ce que ma robe ne touche pas la substance couleur caca qui y ressemble beaucoup sans en être. C'est une description d'enfant mais c'est aussi une phrase que j'ai souvent dis avant que Janet ne m'explique ce que c'est. Il n'y a pas plus innocent qu'un enfant... Une courte discussion s'entame entre Algernon et moi. Et il est loin de la discussion entre fiancés. Ici, il est sujet de ma sœur aînée. Pas question de m'empêcher de voir ma sœur. Cependant, il insiste sur le fait que les femmes ne sont pas les bienvenues dans une prison de ce genre. Et là, je lui sors la réplique que je vais devoir garder en tête et qui ne lui aura probablement pas plus :
« La Couronne Anglaise n'a pas interdit les visites de la famille et il me semble que je suis une de ses sœurs... Vous n'êtes pas à la Tour de Londres, Général... ». Comment je connaissais la Tour de Londres ? Je devais plutôt dire qui ne connait pas la tour de Londres. Voilà comment je venais de placer un froid entre moi et mon fiancé. Je ne le lâche cependant pas du regard. Lettre en main, je ne comptes pas les donner à qui que ce soit sauf à sa destinataire. Sans plus attendre, je suis les accompagnants en silence sans rien dire de plus. Le pauvre Archibald est malheureux de ne pas pouvoir venir mais il n'a pas l'âge. Mes pas résonnent dans la prison et je regarde autour de moi. Et dire que je vais bientôt vivre dans ses murs et je vais devoir me faire à l'idée que je ne serais pas en sécurité même si la prison grouille de tuniques rouges. Arrivant devant la porte de la cellule de Georgina, je prends une inspiration avant d'hocher la tête à l'un des gardes présents.
La porte de la cellule s'ouvre et je pose mes yeux durs sur mon ainée. Personne ne me connaissait ce regard et même si l'envie de lui faire la morale était tentante, je ne voulais pas ouvrir les hostilités maintenant. Entrant dans la cellule, j'avais laissé tout ce qui pourrait servir d'arme à l'entrée du domaine afin de ne pas me fâcher avec le règlement des lieux. Car même si je suis fiancée au Général, cela ne me donne pas le droit d'enfreindre les lois que seront sous peu entièrement les miennes avec ce satané mariage. Une fois à l'intérieur, je patiente et j'entends la porte derrière moi se referme. C'est alors que j'ose prendre la parole.
« - Bonjour Georgina ! »Je ne préfères pas lui poser la question pour savoir si elle va bien. Je le constate par moi-même. Je dois reconnaître qu'elle semble plutôt en bonne forme malgré l'ambiance tamisée des lieux. Retirant alors mes gants que je range soigneusement dans une de mes poches, je finis par prendre le paquet de lettre qu'Archibald lui a écrit.
« - Je suis venue t'apporter ça... »Je m'avance et je dépose l'ensemble des lettres sur ce qui lui sert de lit. Je reste neutre et mon sourire s'est effacé de mon visage dés que j'ai mis les pieds dans ce bâtiment. C'est une prison, pas un château de nobles. Je ne viens pas pour danser, faire la fête et me gorger de vin qui n'est pas forcement agréable au palais mais bel et bien pour voir ma sœur.