way to freedom | thomas h. murdoch

Las. Trois lettres, éperdues sur une feuille qui peine à s'encrer. Et au loin, là où viennent se briser quelques vagues téméraires d'un océan tumultueux, se perdent les prunelles de celui dont les songes sont distraits. Il se souvient des contrées anglaises, là où son enfance réside, là où son passé se traîne pour finalement comprendre que ça n'est plus lui. Il est un homme de bonne famille, il est le fils qu'ils aimaient à vanter avant que l'esprit ne se raisonne, avant que cette volonté de liberté ne prenne les devants sur le devoir. Il est un homme dont le spectre hante encore ces étendues verdâtres, un homme qu'il aurait pu regretter si son cœur, attaché-là, ne s'était pas épris d'une toute autre beauté, muse du Nouveau-Monde, inspiration matérialisée et capable de toucher. Assez pour le corrompre ; l’envoûter serait plus exact, plus positif. Un sourire en vient à se dessiner le long de ses lèvres, caché derrière une rousseur agréable, caché derrière ce masque teinté d'une solitude des plus dures. Il l'accepte et l'apprécie, bien qu'elle ne soit pas tout à fait vrai et ce qui l'accompagne, lui qui se dit si seul autrement, fait finalement partie intégrante de son âme. Derrière ce qui semble une malédiction réside l'addiction, le besoin irréversible d'une présence si près de lui. Parce qu'elle est le miracle de ses mots, l'essence de ses œuvres. Non, son sourire ne s'en ternit pas, au contraire, venant s'élargir tandis que Thomas prend le risque de déposer sa plume, ses perles claires venant balayer l'étendue bleutée qui s'étend à ses pieds. Il ressasse ces dernières années, heureux de contempler ce chemin parcouru et ce bonheur aperçu. Il n'est rien qu'il puisse regretter de ces terres natales, rien qu'il puisse envier à ceux qui se font à cette société encore tremblante, hésitante. Il n'est rien qu'il puisse vouloir de plus que cette vue, cette simplicité où réside une certaine liberté. Une liberté des mots, des phrases. Torrent délicat d'inspiration déchaînée. S'en suit un soupire tandis qu'il retrouve toute sa hauteur, délaissant le petit séjour assombrit de la demeure qu'il anime aujourd'hui maigrement. Quelques pas avancés, silhouette courbée par un vent doux mais régulier. Il vient s'élancer jusqu'au devant de la jetée, tentant vainement d'offrir un ordre à tout ce qui vient s'imposer, là, sous sa tignasse orangée. Et quand bien même le combat des vers s'engage, Thomas n'en reste que trop sage, contemplant les cieux, une admiration teintée en quelques lueurs caressant ses traits, éclairant ses yeux. S'en suit une brise, puis le flirt d'une bourrasque. Pour rien au monde il ne reviendrait sur ses pas, pour rien au monde il ne quitterait ce silence salvateur, là où ne réside que la voix et les rires de la seule qui soit parvenue à rendre quelques couleurs au monde qui, autrefois, lui paraissait si morose, si terne, presque autant que l'âme qu'il se doit de porter. Qu'il aime désormais à supporter. Ça, tandis qu'il se décide à tourner le dos à cette source inépuisable de pureté, délaissant son regard sur la vieille bâtisse qui, désormais, lui appartient et qui, en cet instant même, abrite l'un des joyaux les plus précieux qui puissent être entre ses mains.

uc