George Douglas ⊙ lang may yer lum reek !

La tempête fait rage et arrache des cris aux branches des arbres. Le ruissellement des eaux du ciel inonde la terre, tandis que les nuages grondent la tombée de la nuit. Aucune âme ne se montre, on a fait rentrer les bêtes dans le chaud des étables, et les ombres des quelques maisonnées frémissent de timides lumières, provenant des bougies apportées aux fenêtres pour signifier la présence de vie. Personne, avec un temps pareil, ne se risque dehors et pourtant, lui reste. Il se tient seul, près du tronc d'un grand pommier, et la pluie a tôt fait d'alourdir ses riches vêtements, et de coller ses boucles brunes contre son cou. Mais il demeure, droit et imperturbable, les yeux grand ouverts et les bras rabattus contre sa poitrine. Étrangement, sa respiration est constante. L'orage semble le calmer, bien que de ses yeux, du même gris que la brume qui rampe le long des reliefs, s'échappent de temps à autre des éclairs jumeaux à ceux qui déchirent la nature. A quelques pas de lui, sa monture s'impatiente, et frappe le sol boueux de son sabot. Ses flans frémissent, elle a froid. Trempé aussi jusqu'aux os, l'animal secoue son encolure et éructe un hennissement mécontent. Il ne dirait pas non à une double ration d'avoine, pendant qu'une main experte de palefrenier brosse sa croupe en mouvements circulaires et vigoureux. Mais son maître ne veut pas encore rentrer. Il préfère humer quelque temps encore à pleins poumons le parfum de l'herbe folle qui donne un goût plus sauvage que jamais au paysage malmené. Ce pays, c'est le sien, et il pourrait ainsi le regarder, immobile, pendant des jours entiers.

L’Écosse n'était jamais aussi belle que sous la tempête, comme celle qui l'avait vue naître, un soir d'été suffoquant. Un long cri aigu avait transpercé le silence quasi religieux régnant dans la chambre, uniquement troublé par le tambourinement du vent déchainé contre les fenêtres closes. Entre les draps froissés par la sueur et l'effort, le visage aux traits déformés par la douleur était noyé de larmes. Autour du lit, les sages-femmes s'activaient : on avait fait remonter de l'eau bouillante des cuisines, ainsi que des décoctions aux herbes dont on imbibait les compresses destinées à soulager la future mère. On lui tenait la main, on l'intimait à continuer. Il lui semblait que la pièce tournait autour d'elle et parfois, elle secouait violemment la tête, comme pour chasser la réalité. Mais à présent qu'elle sentait ses dernières forces lui échapper, un mince sourire éclairait son visage. Entre ses cuisses, la vie git. Son bas ventre était recouvert d'un linge tâché de sang, et elle ne distinguait rien, sinon la silhouette du médecin qui donnait ses instructions, réclamant le silence. Un fils ! Lady Mary venait de mettre au monde un fils !

la suite bientôt